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"Quand l'homme devient maître d'agir sur l'homme et sur la société, la technique doit se substituer non seulement à la bêche et au rouet mais à la famille, au peuple, à dieu même.
Le Léviathan technique est une brute aux biceps bien trop gros pour sa tête. Obsédé par l'immédiat, la victoire ou le profit, il fonce, et n'enregistre les effets sur la vie, les sociétés et les personnes, qu'après coup et généralement trop tard, d'où les crises et les guerres.
tout se passe comme si la technique moderne avait eu besoin de la société libérale pour naître et de l'état totalitaire pour se développer jusqu'au bout. L'une crée les moyens, il reste à l'autre de les utiliser.
Depuis la première guerre mondiale, l'économie cesse d'être une donnée, elle est désormais dirigée. Pour accroître et totaliser la puissance de ces divers éléments, l'état l'ordonne selon les lois de l'organisation : définition, recensement, centralisation.
Plus que par son programme, cette formation d'état est remarquable par sa volonté de saisir tout l'individu. Elle doit être totale pour éviter que son échec ne fasse contre elle la sélection des meilleurs. Le souci d'efficacité l'entraîne à user dans l'éducation des méthodes qui ont fait leur preuves dans l'industrie et dans le commerce : psychotechnique et publicité. En ceci l'état totalitaire réalise les tendances de notre temps ; il les réalise aussi par l'extension de l'école... . l'éducation totalitaire déborde l'école, ou plutôt l'école s'étend à toute la vie ; de l'enfance à l'âge mûr, du travail au loisir, elle ne lâche l'homme qu'à un âge où il est suffisament sclérosé pour être imperméable à toute expérience personnelle.
A partir d'un certain point d'organisation, il n'y a plus le choix qu'entre le chaos et le système, qui reconstruit de l'extérieur cet univers détruit de l'intérieur.
La société actuelle doit multiplier sans arrêt sa production, comme un joueur double indéfiniment sa mise. Le jeu peut durer un certain temps, à ce quitte ou double il est sûr de perdre tôt ou tard.
L'économie moderne n'est pas le bonheur mais la lutte pour la vie. Il serait bon de le savoir pour ne pas chercher le sens de la vie dans la bataille pour la survie. La loi de la production est celle du front.
Quand la société s'identifie à l'organisation politique, la destruction de l'état ne laisse que le néant. Une fois brisé ce rempart, rien ne reste de l'orgeuilleuse collectivité qu'une foule d'individus misérables, réduite à la nudité des instincs primaires : manger, dormir, survivre. L'égoisme individuel autant que la difficulté des communications, l'incapacité à agir et à espérer en dehors de l'état, mure les individus dans un isolement stérile ; sauf si les hasards de la guerre les remobilisent.
Si l'homme pour échapper aux flammes de l'accident atomique devait s'enterrer vif dans une organisation totale, alors la fin du monde serait peut être une grâce.
La seule issue serait la recréation de la société sur de nouvelles bases, par des individus associés par la conviction que la liberté ne réside pas dans la puissance mais dans la capacité concrète et quotidienne de l'individu à accomplir des actespersonnels.
Quand un homme fait demi-tour devant sa liberté, ce n'est pas seulement une personne qui retourne au chaos, mais une chance, peut être décisive pour la société humaine et le cosmos, qui disparait.
L'acte libre est le plus difficile des actes car il incarne l'esprit qui tend vers l'idéal dans la matière qui suit ses nécessités physiques (de la nature, de la société...). l'acte libre est inconfortable c'est pour cela que les hommes ont intériorisé le fait social, qu'ils se mentent sur le sens de la liberté, et qu'il ne voient pas ce qui crève les yeux."
"Daniel Cérézuelle, ECOLOGIE ET LIBERTE, Bernard Charbonneau, précurseur de l'écologie politique, édition Parangon/Vs"
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